MuVz - Soundscapes of Visibility : quand la musique donne à sentir la ville
Et si nous pouvions percevoir notre visibilité dans l’espace public, non pas par la vue, mais par le son ? C’est l’hypothèse posée par Soundscapes of Visibility, un prototype d’application développé dans le cadre d’un workshop au Queen Elizabeth Olympic Park, à Londres. Ce projet expérimental propose de repenser la relation à l’espace urbain par le biais de paysages sonores adaptatifs, construits à partir du degré de visibilité de l’usager dans le tissu bâti.
Loin des logiques classiques de guidage ou d’optimisation de parcours, l’application mise sur une approche sensible de la mobilité, destinée aux coureurs, marcheurs et flâneurs solitaires. L’idée : créer un GPS émotionnel où la musique traduit en temps réel l’exposition du corps dans l’espace.
Rendre audible l’invisible : visibilité et confort spatial
La sécurité perçue en ville est souvent une affaire de ressenti plus que de faits. Être visible depuis les fenêtres d’un immeuble, longer une façade ouverte, marcher sous des regards potentiels : autant d’éléments qui influencent, consciemment ou non, notre expérience de l’espace. Le projet part de ce constat pour proposer une traduction sonore de ces dynamiques, en intégrant une métrique : le score de visibilité d’un point donné.

Les différents besoins et utilisateurs cibles de l'application / Source : VERNAY Eva, LECOINTRE Baptiste, 2025
Techniquement, le parc est modélisé en 3D (bâtiments, arbres), et une grille de points est générée sur les chemins. Pour chaque point, un isovist — c’est-à-dire un champ de vision calculé en 360° — est produit. Plus un point est exposé visuellement aux alentours, plus le son diffusé par l’application sera ample, clair, ou rythmé. À l’inverse, dans les zones peu visibles, la musique devient plus sombre ou enveloppante.

Visualisation de la méthode de calcul du scoring de visibilité par isovist / Source : VERNAY Eva, LECOINTRE Baptiste, 2025
Une interface sensible, entre cartographie, musique et introspection
L’application ne se limite pas à la sonification : elle propose un ensemble de fonctions pensées pour enrichir l’expérience utilisateur. On y retrouve :
- un suivi en temps réel de la visibilité,
- une musique ambiante dynamique qui évolue selon la position,
- un test de personnalité basé sur les parcours choisis,
- une restitution visuelle en 3D via la plateforme Cesium.

Méthodologie de simulation 3D et d'incrémentation de la bande-son générée / Source : VERNAY Eva, LECOINTRE Baptiste, 2025
Cette articulation entre visibilité spatiale, ambiance sonore et introspection compose une forme de narration personnelle du déplacement. Ce n’est plus tant une application de navigation qu’un dispositif d’écoute active du contexte.
Un prototype encore limité, mais porteur d’enjeux forts
Le projet reste exploratoire. Il soulève de nombreuses questions techniques (calculs 3D en temps réel, génération musicale dynamique, prise en compte des végétations mouvantes) et culturelles (comment adapter ces ambiances sonores à d’autres contextes urbains, à d’autres sensibilités ?). Mais l’intuition est forte : proposer une autre façon de lire la ville, non pas par ses flux ou ses fonctions, mais par les affects qu’elle produit.
À l’heure où les technologies de mobilité se veulent toujours plus discrètes et performantes, Soundscapes of Visibility propose une forme de friction salutaire : ralentir, écouter, ressentir. Une invitation à expérimenter la ville autrement — moins comme un espace à traverser que comme un milieu à habiter.